7h20 : L'alarme stridente sonne au-dessus de ma tête, je lève ma main, j'attrape mon portable d'un geste vif et je coupe. J'allume la radio. Le journal d'Agnès Bonfillon n'a pas encore commencé. Ouf.
7h47 : Je rouvre les yeux. J'ai raté le journal d'Agnès Bonfillon. même un jour de grève, la rubrique de Brigitte Jeanperrin est maintenue. Ca commence mal.
8h11 : Le journal de Patrick Cohen se termine entre les bruits de céréales. Prévisions de trafic meilleures que prévues dans le métro. Mais je ne prendrai pas le risque. J'irai à pieds, c'est décidé. Direction la douche.
8h22 : Habillé, je fais mon sac. Premier coup de téléphone de la journée. Mon camarade Arthur est sur place. Il m'annonce que la Sorbonne est bloquée, mais que la situation est calme. Pas de CRS à l'horizon. Je pars quand même.
8h32 : C'est l'heure de la revue de presse sur France Inter. Titre du Canard Enchaîné : "Les bons conseils de C. Lagarde : Pas de métro ? Pas de bus ? Prenez un Airbus !". Penser à acheter le Canard cette semaine encore.
8h33 : Radio coupée. Bonjour au voisin qui sort sur le palier en même temps que moi. je suis parti sur les grands boulevards. Direction Sorbonne.
8h48 : J'appelle Arthur pour avoir des nouvelles. Dans le Vème arrondissement, rien ne bouge pour le moment. Les bloqueurs s'organisent.
9h01 : Arrêt devant le distributeur de la banque. Surprise, voilà Maude, vaillamment arrivée à pied du haut de la butte Montmartre, direction XVème arrondissement. Bavardages, et petit bout de chemin jusqu'à devant chez Gibert; je tourne à gauche. J'arrive dans la place...
9h09 : Je suis devant la Sorbonne. Je repère Arthur. Après une réflexion désobligeante sur la façon dont le vent parisien a arrangé la disposition savante de mes cheveux, il consent à me faire un point sur la situation. Au 17, rue de la Sorbonne, les portes sont fermées, les bloqueurs stationnent devant. Discussions calmes au alentours. Nous repérons quelques policiers en civil venant discrétement glisser à l'oreille de ceux qui ont une tête à aller en cours que l'entrée du 54 rue Saint-Jacques est ouverte. Un cycliste relaye le message. Quelques personnes commençant à s'énerver décident d'aller tenter leur chance de l'autre côté.
9h20 : Nous décidons d'aller voir ce qu'il se passe Rue Saint-Jacques. Nous passons Rue des Ecoles, tournons à droite. Arrivée devant l'accès à l'amphi Michelet : une petite porte annexe qui ne donne que sur cette salle-là (indépendante du reste du bâtiment de la Sorbonne). L'amphi est ouvert : 5 vigiles surveillent cette minuscule porte... Si je veux rentrer, je dois attendre 10h pour savoir si ma prof est là. Je doute que je retournerai aujourd'hui adresser la parole à cet aimable agent de sécurité.
9h22 : Arrivée au 54, rue Saint-Jacques, face au lycée Louis-le-Grand qui est ouvert... 6 bloqueurs empêchent le passage, devant les portes ouvertes. Le meneur semble être le grand jeune homme roux au bonnet phrygien. Nous discutons avec nos amis bloqueurs : nous faisons la connaissance du Sébastien Chabal local, ainsi que d'une arborant une écharpe du Paris-Saint-Germain. Chacun ses problèmes.
9h34 : Une fille vêtue d'un pull bleu s'échauffe. Elle tente de passer en force, seule. La rangée de grévistes de bouge pas. Elle décide d'organiser les résistance. Nous l'entendons crier : "Est-ce que ceux qui sont ici veulent rentrer ???". Nous sommes deux à répondre : "NON !" Elle se tait.
9h41 : Nous redescendons la Rue Saint-Jacques. Arthur doit aller travailler, lui.
9h42 : Rue des Ecoles. Nous voyons un motard arrêté en plein milieu de la route, à côté d'une voiture bleue de grande marque (une grosse Citroën ou une Alfa Romeo). L'homme dans la voiture semble s'énerver. Le ton monte rapidement, ainsi que le rouge sur son visage. Incroyable. Il semble que l'homme dans la voiture va frapper le motard depuis son siège. Mais non : il préfère enlever sa ceinture pour descendre (peut-être disait-il : "Viens ! Viens ici, viens là un peu l'dire !" ?) et entr'ouvre sa porte. Le motard repard, préférant esquiver. L'homme refère sa porte et voit que nous le regardons d'un oeil ébahi. Il nous parle, nous ne comprenons pas, mais je ne crois pas qu'il nous disait des gentillesses. Devant la file de voitures attendant le feu rouge, il préfère accélérer, les pneus crissent, et il double toute la file pour s'engager dans le couloir de bus, pleins gaz...
9h45 : Arthur me laisse seul sur le terrain.
9h47 : Rue de la Sorbonne. Plus de monde devant la porte. Plusieurs caméras sont là, France 3 interview un gréviste.
9h55 : Sirènes de police. Deux camions de CRS traversent le boulevard St-Michel. Je m'attends à les voir débarquer. Mais non.
10h00 : Je n'irai pas en cours.
10h17 : Rue des Ecoles. Je me dirige Rue Saint-Jacques pour voir ce qu'il se passe. Je croise trois filles qui suivent le même TD que moi. Ils m'annoncent que la prof n'est pas venu. J'avais bien fait.
10h21 : 54, Rue Saint-Jacques. Louis-le-Grand est ouvert. Il y a plus de monde devant l'entrée de la Sorbonne. Je discute avec le supporter du PSG, formé à bonne écoles aux situations conflictuelles ("J'ai l'habitude du Parc des Princes"). Je reconnais un "ami" de notre compère Arthur (le deuxième), descendant d'une lignée de militaire. Il suggère aux grévistes d'amener le pastis en échange de son aide. Les anti-blocus s'agitent. Quelqu'un décide de foncer. Les autres suivent. Ils sont une quizaine contre les 6 bloqueurs. Une fille me demande de venir pousser. Je ne bouge pas et je la regarde s'essouffler. Les vingt personnes réussissent à percer une brêche. Cris de joie à l'intérieur de la Sorbonne. Ils vont pouvoir aller en cours. Dommage qu'il n'y ait pas de profs.
10h35 : Rue de la Sorbonne. La prochaine AG est prévue jeudi à 14h.
10h45 : Il commence à faire froid ici. Je vais me poser au tabac de la Sorbonne, boire un café et lire le journal. j'attends 12h pour voir si je croise des collègues de mon cours d'italien. Boire un café place de la Sorbonne, au chaud, avec son journal, il fallait au moins essayer une fois.
11h33 : Je ressors, rien de nouveau Rue de la Sorbonne.
11h39 : Rue Saint-Jacques. Louis-le-Grand est ouvert. Des bloqueurs sont venus renforcer le piquet de grève. A priori, ça ne devrait plus bouger aujourd'hui.
11h55 : Rue Victor Cousin. Je croise la prof d'italien, qui a l'air de débarquer comme d'habitude. Elle me demande ce qu'il se passe. Je lui décris la situation. Elle se dirige Rue Saint-Jacques, en me demandant mon avis sur la loi LRU. Pour elle, les étudiants mélangent parfois un peu tout (on ne peut pas franchement lui donner tort) ; l'autonomie, pourquoi pas. Mais dans cette loi, c'est le président de l'université qui recrute les profs. Ineptie. Notre Président est un géographe. Il va nommer des latinistes, des sociologues, des philosophes. Tout à fait...
12h02 : Rue Saint-Jacques. La prof passe le blocus. Elle me fait un signe. Je ne peux pas rentrer, et puis un cour tout seul...
12h07 : Rue Cujas : Photocopie. Il est conseillé d'en faire beaucoup : quelques jours plus tôt : 30 photocopies = 1€60; Aujourd'hui : 3 photocopies = 70cts...
12h10 : Déjeuner. Il faut bien.
12h30 : La BSG (voir plus bas) est ouverte ! Ouf. C'est parti pour une après-midi d'ancien français (comme je disais tout à l'heure à mon cher ami, "j'en avais marre du latin").
16h50 : Rue Saint-Jacques. Les portes sont fermées. Plus personne, avant demain. Louis-le-Grand est ouvert.
18h : Retour chez moi.
Demain, la résistance continue. La Sorbonne va-t-elle tomber ? Terminons par des conseils tactiques pour la grève; Comme dans cet exemple, nous sommes priés d'attendre la venue décisive des fonctionnaires, mardi prochain.
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