Les cours ont enfin commencé dans les magnifiques locaux de la Sorbonne particulièrement inconfortables à tel point que la santé de notre colonne vertébrale s’en trouve menacée (je pense à l’amphithéâtre Richelieu qui, s’il a la classe, n’a pas de support pour écrire), ou bien dans des locaux particulièrement laids mais où nous pouvons au moins nous asseoir presque correctement (je pense à l’amphithéâtre Chasles ; un point à celui qui me dire que ce brave homme a fait pour qu’on donne son nom à une salle si petite et délabrée). Je découvre les joies des nouveaux cours, notamment le cours dit de « grammaire » : « Cette fille n’a pas vingt ans », mais pourquoi avez-vous compris « Cette fille a moins de vingt ans », vous pouvez me l’expliquer celle-là ? Hé oui, on n’y pense pas, mais il y a des trucs dingues dans la langue française. Nous pouvons aussi découvrir les réjouissances que nous apporte la lexicologie, nouvelle joyeuseté qui nous attend en L3 de littérature. Je ne vous en dirai rien, mis à part cette petit morceau choisi que je livre à votre bienveillante réflexion : « L’incluant, ou hyperonyme, est l’équivalent de l’archilexème, réalisation langagière de l’archisémème. » Mon ordinateur ne connaît pas deux des mots de cette dernière phrase. Je vous laisse méditer là-dessus et je vais finir A la Recherche du Temps Perdu.
Afin d’y voir plus clair, l’étudiant enthousiaste devant tant de mots nouveaux s’empresse d’aller prendre sa carte à la BSG. Diable, mais qu’est-ce qui se cache derrière ce joli sigle que le poitevin fraîchement arrivé n’a jamais entendu ? Il ne s’agit pas du Bureau de Stationnement Groupal (malgré le fait qu’il faut bien attendre une heure à l’extérieur pour pouvoir s’y inscrire) mais bien de la prestigieuse Bibliothèque Sainte-Geneviève, qui fait face au Panthéon qui comme chacun sait était auparavant l’Eglise Sainte-Geneviève, construite par M. Soufflot, d’où le nom de la rue qui y mène et que connaît si bien Frédéric Moreau (ça c’est pour ceux qui suivent bien). Cette bibliothèque, un poil plus grande que notre ancien et cher CDI (Compartiment de Détention des Insouciants khâgneux), est l’endroit idéal pour rencontrer des étudiants de tous horizons : aujourd’hui, à côté de ma place 687 (car avant de rentrer il faut toujours aller retirer un ticket pour avoir une place numérotée), s’égayaient trois jeunes gens enrhumés étudiant qui les fonctions vitales du corps humain et l’anatomie de l’oreille droite, qui la vie politique en France selon René Rémond, qui (horreur !) la préparation de l’épreuve d’anglais des concours…
La BSG donc (qui au passage fournit d’assez bons cappuccinos pour la modique somme de 50 centimes), un petit sigle parmi tant d’autres auquel il faut vite s’habituer. Une BSG à ne pas confondre avec la BUS (Bibliothèque Universitaire de la Sorbonne, à laquelle je n’ai pas encore accès faute de carte adéquate), parfois aussi bondée que le Métro (ce jeu de mot vous est offert par la RATP et la carte Imagine’R). Car il semble que les abréviations et autres associations de lettres barbares envahissent le Quartier Latin, et notamment les cours de linguistique. C’est à la BSG ou à la BUS que l’on peut trouver le fameux, le grand, l’immense TLF, ou pour les non-initiés le Trésor de la Langue Française, dictionnaire historique, mine pour la lexicologie, et qui plus est disponible en ligne (par ici : http://atilf.atilf.fr/tlf.htm) ; ou bien encore le DHLF (Dictionnaire Historique de la Langue Française), disponible en poche, trois volumes. Qui me prête 45€ ? Sinon, n’oubliez pas les classiques : le PR (à ne pas confondre avec le nom de code indéchiffrable désigant le chef de l’état dans les notes du général Rondot) ou Petit Robert, ainsi que le fameux PLI, ou Petit Larousse Illustré, qui explique la mauvaise mine de celui qui vient de « prendre son PLI » selon l’expression consacrée. Mais c’est surtout en grammaire qu’il faut se garder d’oublier de se procurer la GMF ou Grammaire méthodique du français appelée également dans le jargon, et a priori de façon plus récurrente la RPR. Je vois que ce nom vous laisse perplexe. Non, la politique ne s’est pas infiltrée jusque dans la grammaire française, il s’agit juste des noms des auteurs, messieurs Riegel, Pellat et Rioul, Paris, PUF, 1999, 15€. Prochainement, le bulletin d’adhésion, 15€ lui aussi (pour compenser l’achat) pour rejoindre les ADEPTES (Association Des Etudiants qui Protestent contre la Tendance à l'Expansion des Sigles).
Un dernier point enfin pour préciser le jeu de mots du titre, qui ne constitue pas une incitation à lire le BS (Best-seller) de Marc Lévy, que je n’ai moi-même pas lu. Je me garderai donc bien de juger ce roman qui n’a aucun d’intérêt… Mais je vous propose à la place de vous jeter avec bonheur dans L’œuvre de Zola, dont le premier chapitre surpasse assez facilement tous les incipits réunis de pas mal de romans qui sortent de nos jours. Le roman raconte l’histoire de Claude Lantier, peintre idéaliste et infatigable, refusé par le Salon Officiel (ou SO), tempérament romantique, tombé amoureux fou de Christine qui sera son modèle, et qui, comme me le dit le quatrième de couverture de l’édition Folio « a commencé comme Manet » mais « aura la même fin que van Gogh ». Du grand Zola, qui nous donne à voir un groupe d’amis artistes à Paris, ses Salons, ses chambres sous les combles, ses brasseries au coin des rues, l’atmosphère si particulière du monde artistique de la capitale. Si, par extraordinaire, ce blog ne comble pas votre appétit de savoir ce qu’il se passe à Paris, lisez ce livre. Comme dans toute bonne critique, un petit passage pour vous mettre en appétit :
« Ils s’adoraient, leur camaraderie devait aboutir à ces noces sur ce divan, dans l’aventure de ce tableau qui peu à peu les avait unis. Le crépuscule les enveloppa, ils restèrent aux bras l’un de l’autre, anéantis, en larmes sous cette première joie d’amour. Près d’eux, au milieu de la table, les lilas qu’elle avait envoyés le matin, embaumaient la nuit ; et les parcelles d’or éparses, envolées du cadre, luisaient seules d’un reste de jour, pareilles à un fourmillement d’étoiles. »
J’espère, chers amis qui écoutez ma logorrhée depuis déjà un moment, que ce morceau choisi vous aura semblé suffisamment coruscant pour courir dévorer du Zola. Et si vous ne comprenez pas ce mot, allez donc voir le DFC. Pardon, le Dictionnaire du Français Contemporain !
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