Il est vrai que le voyage de Lucien entre Angoulême et Paris n'a pas dû être de tout repos, secoué qu'il était dans la diligence qui l'amenait à la capitale, accompagné de la cruelle Mme de Bargeton.
Bien heureusement, le parallèle s'arrête là avec nous autres (qui ne connaissons déjà pas de Mme de Bargeton...) pauvres poitevins. Sur le quai de la gare, généralement voie 2, comme annoncé par la voix du micro qui n'est pas la même qu'ailleurs (ce n'est pas enregistré, c'est fait en direct, mais oui mais oui, comme j'en ai eu la preuve une fois que je descendais du train, la chef de gare demandant expressément à la demoiselle au micro de signaler que les portes de la voiture 17 étaient bloquées : "Tu peux faire une annonce pour les clients" ? Le talkie-walkie, c'est fascinant), voilà que les deux yeux rouges bien connus arrivent au loin jusqu'à ce que le train s'arrête bien en face de nous.
Après avoir évité le péril de monter dans le train de 18h10 qui part vers Lille (Lucien n'aurait pas eu ce problème, qui aurait eu l'idée saugrenue d'aller à Lille en 1830, je vous le demande), il faut attendre tranquillement celui de 18h21 qui doit amener le valeureux jeune homme bientôt parisien. Un nouveau problème se pose là, que Lucien ne connaissait pas non plus avec les quatres voyageurs de la diligence : comment monter sereinement dans le train ? Je ne peux pas ici faire de développement réellement approprié après celui que nous a livré le Professeur Rollin :
Montons! (Il ne vous plait pas, mon ton?)
Souvenez-vous: il y a tout juste deux mois, je réglais, définitivement, dans ces colonnes, l'épineux problème de la descente du train. Peu d'hommes - peu d'hommes (1) - peuvent se vanter d'avoir, avec autant d'expertise et de virtuosité réunies, terrassé en une poignée de lignes un mammouth de cette taille et de cette résistance. Revers de la médaille - j'attends toujours que l'AUDIT (2) me la décerne officiellement: ma réputation de courage et de perspicacité a eu tôt fait de boucler le tour de l'hexagone ferroviaire, et voilà qu'on me prie, chaque jour désormais, les larmes zo-zyeux, de terrasser à son tour le mammouth de la montée. Tant il est vrai que peu de gens sont descendus du train sans y être montés auparavant (3). Comment y monter, quand, et dans quelles conditions: on me défie de dénouer cet ancestral casse-tête. "Qu'à cela ne tienne!" (4), comme disait Madame Marcel, épouse du prévôt des marchands. Je m'y colle aussi sec (i.e. le temps de faire sécher la colle.)
Premier principe à retenir, pour éviter les sempiternelles bousculades à l'arrêt du train en gare :"Le train ne repartira certainement pas avant que tous les voyageurs qui le souhaitent en soient descendus." Il est donc inutile de s'agglutiner à la portière pour être le premier à monter, il suffit d'attendre tranquillement que tout le monde soit effectivement descendu.De surcroît, les places étant numérotées dans le TGV, vous ne gagnerez RIEN à monter le premier: votre place attitrée ne risque pas de s'envoler, il est donc parfaitement vain de jouer des coudes et des épaules à la montée.
Corollaire: il est absurde de pester contre la vieille dame qui hisse péniblement ses deux valises. Il n'y a aucun péril en demeure, le train ne partira pas sans elle, il faudra donc, vaille que vaille, que cette cette dame finisse de monter, après ou avant vous, peu importe! La tuer, même, ne vous ferait pas gagner cinq secondes...Seconde règle à mémoriser: le couloir central des voitures est étroit, il faut s'efforcer, autant que chemin de fer se peut, de ne pas l'obstruer longuement. Lorsque vous atteignez votre place (celle qui ne s'envole pas), glissez vous un instant entre les fauteuils pour laisser vos prochains accéder à leurs places respectives..., vous terminerez ensuite votre petite installation personnelle complexe ("Faut que je sorte mon journal du sac, et mes lunettes de l'étui qui est dans la poche de la veste...") un peu plus tard, quand tous les voyageurs que vous avez précédés auront pu monter et que le train aura par conséquent pu partir, avec vous dedans.
Troisième, et momentanément dernier, précepte: les lois de la montée dans le train ne peuvent s'exprimer convenablement en moins de vingt mille mots. Pour une information exhaustive, rejoignez "jemontedansletrain.com" et "jecessedestressercommeunblaireau.com", accès gratuit, places numérotées. Bon voyage, messieurs Dumollet.
(1)"Peu d'hommes, peu d'hommes osent affronter leurs chaînes, seul l'arpenteur ose." Sur l'air de La Panthère Rose, Jean-Claude Asselin, Mandoliniste. (2)Association des Usagers qui Descendent Intelligemment du Train. (3)Exception faite des enfants nés dans un train, mais l'expression "Ma femme est en train d'accoucher" ne signifie pas que votre femme accouche dans le train, ni davantage par le train, mais ceci est une autre histoire. (4)Plaisanterie très à la mode en 1358, date de l'assassinat d'Etienne Marcel.
(TGV Magazine, Mai 2007)
Si le voyage ne s'est pas déroulé, comme une fois sur le trajet du retour, à côté d'un couple d'anglais qui, avant et après avoir mangé leur sandwich, passe l'heure et demie du voyage à descendre la moitié d'une bouteille de vin blanc en apéro, puis une bouteille entière de vin rouge pour le repas, et en face de la réincarnation de Manolo de Tintin et les Picaros qui fait son petit repas devant un DVD, il est possible d'arriver à destination fatigué mais non affamé. Alors bon, on ne se glorifiera pas du qualificatif d'un "grand homme de province à Paris", nonobstant le fait que je mesure 1m92, mais il est vrai que comme Lucien, nous arrivons tout de même harassés à la capitale, et là où la diligence de la poste s'arrête pile à l'endroit où il devait descendre, il nous faut à nous, poitevins, nous engouffrer dans le tunnel métropolitain. Entre les grosses valises, les sacs à main, les portables allumés et les messages disant "Je suis dans le métro", Paris-Turf, Libération ou le Canard Enchaîné (je n'ai pas encore vu quelqu'un brandir Valeurs actuelles dans le métro), une fois la petite place trouvée pour entasser la grosse valise et le sac à dos, on espère arriver vite chez soi. Mais c'est sans compter sur le gars en marcel blanc qui entre soudain. Il pose sa chaîne hifi qui saute toutes les trente secondes, et met le son à volume élevé. C'est là que je me retourne pour voir ce que c'est que cette musique indistincte qui arrive du milieu du wagon : l'homme en marcel blanc est en train de gesticuler sur ce bruit, en frappant dans ses mains (peut-être pour chauffer la salle : c'est le chauffe-marcel) et en faisant un mouvement transversal de haut en bas, index levé. Entre deux musiques, il passe tellement vite dans les rangs avec son gobelet en plastique troué que, si tant est que quelqu'un avait voulu mettre une pièce, il n'en aurait pas eu le temps. A ce moment là, j'avais tellement envie de donner toutes mon argent à l'homme qui nous avait joué de l'accordéon, quelques jours plus tôt...
Hé non, Lucien n'avait pas tous ces affriolants avantages du trajet moderne. Voilà de quoi pimenter les arrivées à la capitale. Pas besoin de Carlos Herrera pour ça. Allez, viens faire un tour en Vélib' !
On n'arrête pas le progrès.
2 commentaires:
Que peut-on faire pour l'orthographe d'Arthur ?
...Bonnet d'ane ? petits coups de règles sur les doigts ? blog épinglé dans le dos (en fait courroies pour l'ordi) et tours de Sorbonne ? application stricte des peines plancher concernant les garnements récidivistes ? Lecture de tout BHL et Marc lévy ? sortir les poubelles ? Je propose un grenelle pour faire le point !
Je tiens à préciser que ce billet n'est pas d'Arthur et ne comporte donc pas de fautes d'orthographe. C'est peut-être pour cette raison que le courageux anonyme de sa famille (damned, je me demande qui cela peut être!) Pour les autres billets, nous réfléchissons en coulisses à un séminaire international réunissant les meilleurs chercheurs en philologie, linguistique et sciences cognitives pour expliquer ce phénomène. Rendez-vous le 30 février prochain.
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